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LE MOINEAU BOSSU

Je m’étais donc assis non loin de la fontaine. J’écoutais la chanson de l’eau qui s’égoutte à longs fils, parmi les mousses de la grotte, et j’admirais les marronniers reverdis dans le feuillage lustré desquels, lavés de la fréquente averse, les marrons, gros déjà, brillent comme des boules d’or.

Des moineaux, eux, jouaient en bandes, s’ébouriffant entre les brindilles des arbustes et se roulant sur les gazons avec de sybaritiques frissons d’ailes. De sorte que, par pur égoïsme et par pitié personnelle de moi-même, j’enviai d’abord le sort des moineaux.

Puis, élevant mon esprit à des considérations plus hautes, je me demandai pourquoi tout le monde sur terre n’est pas heureux comme les moineaux, et pourquoi ces bipèdes emplumés de gris jouissent d’une félicité refusée si injustement jusqu’ici au bipède sans plumes du sophiste.

Le charmeur d’oiseaux arriva. De tous côtés, les moineaux s’empressèrent. Ceux qui prenaient le soleil dans les branches descendirent avec des cris joyeux ; et les maraudeurs, toujours à rôder près du petit lac, au-