Page:Arène - La Chèvre d’or.djvu/26

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Mon installation est bientôt prête. Ganteaume, qui couchera à côté de ses parents, me cède sa chambre ; il me semble qu’elle m’attendait.

En l’honneur de mon arrivée, on a dîné d’une bouillabaisse pochée par patron Ruf lui-même et servie, suivant l’usage, sur une écorce de liège oblongue creusée légèrement, pareille à un bouclier barbare. Nous avions chacun pour assiette une moitié de nacre, moules gigantesques aux reflets d’argent et d’acajou que les barques, à grand effort, d’un câble noué en nœud coulant, arrachent dans les récifs du golfe.

À part ce détail tout local des assiettes et du plat, j’aurais pu, avec cet horizon d’eaux miroitantes, de tamaris en dentelle sur l’or du couchant, et le clairin d’Arlatan qui tintait, me croire au bord du Vaccarès, dans quelque coin perdu, entre la tour Saint-Louis et les Saintes.

Derrière les dunes, la vague chantait.

Jusqu’à minuit, Tardive, belle d’humble orgueil, me fit l’éloge de son bonheur. Ganteaume sommeillait. Patron Ruf fumait sans