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JEAN-DES-FIGUES.


de ses feuilles maigres, filtre le soleil comme un crible et fait à peine ombre sur le sol. Cela, néanmoins, paraît excellent aux braves gens, et c’est sans malice, si vous passez, qu’ils vous invitent à vous reposer un instant près d’eux, — « au bon frais ! »

Mon père, qui avait des idées sur tout, imagina un meilleur système. Au beau milieu du champ tout blanc de soleil, il apportait une grosse pierre, y attachait l’âne, puis, jetant sa veste à terre, il s’asseyait dessus, tirait le dîner du bissac, et nous voilà tous les trois en train de faire notre repas à l’ombre de l’âne, mon père à côté de la grosse pierre, près de la tête de Blanquet par conséquent, ma mère un peu plus bas, vers la queue, et moi tranquille sous l’oreille gauche ; l’ombre de l’oreille droite, d’aussi loin qu’on s’en souvienne, ayant toujours été réservée au fiasque de vin.

Le repas fini, on dormait un peu, chacun à sa place. Tout petit que j’étais, il me fallait faire comme les autres. A l’ombre de l’oreille de Blanquet, dans la chaleur assoupissante, je fermais les yeux béatement, puis je les rouvrais, et, sans rien dire, comme effrayé du bruyant silence de midi, je regardais le ciel luisant et tout en satin bleu, le soleil sur la campagne déserte, mon père et ma mère qui dormaient, Blanquet immobile près de sa pierre, et la chèvre mordant les bourgeons gourmands, debout contre le tronc d’un amandier. Puis le sommeil me reprenait