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Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/212

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LA GUEUSE PARFUMÉE.

et bleus, graviers de la Durance aveuglants sous le soleil et piqués de quelques touffes d’osiers maigres et de tamaris, landes de galets rouges, torrents roulant dans les rochers gris, Estève peignait tout cela, et tout cela, ma foi ! se vendait. Le cercle des Beaux-Arts poussait Estève ; une compagnie maritime lui avait confié la décoration d’un paquebot. Bref, Estève gagnait sa vie, et l’oncle étonné d’abord, mais voyant que l’argent tombait, finit par prendre son parti de ce métier bizarre auquel il ne comprenait rien.

— Parfaitement ! c’est moi qui paye la fête, s’écriait le peintre en remontant de la cave. Il avait des araignées au chapeau, et dans chaque main une vieille bouteille.

— Les bêtes mangent, régalons-nous ! Je veux que ce soir toute la maison soit en joie.

Et pourquoi Estève voulait-il que toute la maison fût en joie, pourquoi avait-il lâché la chèvre, prodigué les pommes au cochon, le foin à l’âne, et mis l’étable sens dessus dessous ?

Estève allait se marier.

— Avec qui ?

— Avec mademoiselle Jeanne, la propre fille de monsieur Blasy, propriétaire du château d’Entrays.

— Tu es fou, garçon ! Oui, pour sûr, la tête t’aura viré, murmurait le père Antiq, plissant avec incrédulité son petit œil clair qu’illuminait pourtant l’espérance. Epouser mademoiselle Blasy ! Toi, un fils de