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LE TOR D’ENTRAYS.


blait prendre une joie malicieuse à répéter sans cesse : — Anténor ! Anténor !

Balandran n’avait pas menti ; M. Anténor devait réellement épouser mademoiselle Jeanne.

La veille, tandis qu’on festoyait dans la maisonnette du père Antiq, l’abbé Mistre, s’étant invité, dînait à la table de M. Blasy. Repas maussade s’il en fût ! Mademoiselle Jeanne, qui, pour sa grande demande en mariage, avait compté sur le tête-à-tête du dessert, s’impatientait et boudait. M. Blasy semblait à la gêne. L’abbé Mistre, préoccupé, demeurait rêveur entre deux plats, oubliant parfois de se verser à boire. Le café servi, mademoiselle Jeanne prétexta d’une migraine légère et se retira.

Alors l’abbé Mistre avait sorti des profondeurs de sa soutane les inévitables papiers d’affaires, puis les déposant sur la table, s’était mis, onctueux et discret, à dérouler des plans, à étaler des chiffres.

Depuis longtemps la situation était grave ; mais cette fois, il n’y avait pas à dire, M. Blasy se trouvait ruiné, irrémédiablement ruiné. Deux ans auparavant, tout aurait pu s’arranger encore, à la condition que M. Blasy suivît les conseils désintéressés de l’abbé Mistre : diminuer ses dépenses, se retirer à la ville, installer à sa place un brave fermier avec sa famille de travailleurs ; associer le travail des autres à son capital, se fier à leur probité pour l’égal partage des récoltes, courber en un mot sa tête de propriétaire