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le peintre et la pie.

« Qu’a donc Senez ? » se demandaient ses amis.

Senez répondait :

« Le Salon approche, je cherche mon tableau, et le choix du sujet me tracasse. »

Quand il eut cherché son tableau quelque temps, comme sa tristesse ne diminuait point, ses amis se dirent :

« Senez a peut-être besoin d’être distrait. »

On essaya de le distraire : fins déjeuners, parties de canot, promenades à la campagne ! Rien n’y fit, Senez restait triste.

Peignait-il, au moins ? L’art est encore la consolation suprême.

Hélas ! s’étant un jour introduits dans l’atelier, ses amis virent toutes les toiles retournées, et sur le chevalet poudreux, auprès de la palette sèche, un melon ébauché depuis six mois.

Senez interrogé, avoua que, en effet, depuis six mois, il ne faisait rien, et que l’art ne lui disait plus.

On tint conseil à la brasserie.

« C’est une crise, une simple crise, affirma le docteur. Tous les artistes en traversent de pareilles. Que Senez peigne, et il est sauvé. »

Alors chacun s’ingénia — les braves cœurs ! — à trouver dans ses armoires, sur son bahut, quelque objet provoquant la nature morte, et si tentant pour le pinceau, que M. Senez ne pût résister au désir de peindre.