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la vraie tentation du grand saint antoine.

rapidité, une prestesse diaboliques, si bien qu’en un clin d’œil la pierre de mon foyer s’étant couverte d’un lit d’ardente braise (les diables, hélas ! n’en manquent jamais), je fus entouré de marmites pleines, de grils chargés, de broches garnies où, parmi des fumées odorantes comme l’ambre, dans des jus et des sauces roux comme l’or, chantaient, rissolaient, frissonnaient, cuisaient, et cela, je le confesse, à ma grande joie ! les restes charcutés de celui qui fut mon ami.

Soudain tout change. Quel spectacle !… Un palais au lieu d’une cabane ; plus de cuisine ni de braise ; le mur décrépi se lambrisse, le sol battu se couvre de tapis. Seules les tuiles du toit gardent leurs trous ; mais ces trous se transforment en une merveilleuse treille à jour, courant sur le plafond doré, et laissant, par ses découpures, voir le bleu du ciel et les étoiles (j’en avais jadis admiré la pareille chez un homme riche de la ville à qui je prêchais la pénitence). Et, par ces trous, montaient, descendaient une légion de petits marmitons porteurs de plats, s’entortillant dans les feuilles, se suspendant aux vrilles cassantes de la vigne, s’accrochant aux bourgeons veloutés, embrassant de leurs petits bras les grappes, se laissant glisser le long des sarments verts, et couvrant de mets cuits à point une table où j’étais assis.

Sur cette table il y avait de tout. Ah ! mes amis, rien que d’y penser, l’eau m’en vient… Ciel ! qu’allai-je dire ? Non, rien que