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les petits pages de musique

barbare. Mes chansons ne plaisaient guère ; quant à Pulcinella, on ne le comprenait plus.

Nous étions sombres, Antonio et moi ; Pulcinella lui-même devenait mélancolique ; Pulcinella manquait d’entrain et de verve ; son œil rouge s’éteignait, sa face de coq semblait triste.

— Il gèle, povero ! il gèle faute de soleil, disait Antonio en essayant de sourire. Puis il répétait ; Parigi ! Parigi ! pour nous rendre un peu d’espérance.

Plus de recette sur les places ni dans les auberges ; et le froid avec cela qui venait. Le froid, la faim, quelle misère !

Nous avions vendu l’âne. Je portais les livres et les luths. Antonio allait devant, par les champs mouillés, par les chemins pleins d’ornières. — « Va male ! va male ! murmurait-il, Paris est trop loin, trop loin Parigi ! » D’ailleurs nous n’avancions plus guère, car le vieux maître se fatiguait.

Un jour il tomba de la neige, et puis il en tomba tous les jours. Nous nous arrêtâmes dans un village. On nous dit que les chemins étaient bloqués pour un mois et qu’il nous fallait attendre le retour de la belle saison.

Attendre sans argent !… cela découragea le vieil Antonio.

« Ahimé ! soupira-t-il, ahimé ! povero Pulcinella ! »

Le soir, près d’un feu de sapin où les paysans nous avaient fait place, Antonio, à la flamme claire, voulut me donner sa dernière leçon. Sa dernière ! entends-tu sorellina ? mais je ne