Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/255

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formes molles, exagérément rembourrés, font tout de suite rêver le passant à autre chose qu’aux joies paisibles de la famille, jusqu’aux divers marchands de comestibles dont les étalages de langoustes et de poulets froids, de pommes vertes, d’artichauts crus, de galantines et de pickles disent éloquemment les déjeuners au lit, après une nuit sans sommeil, dans un logement sans cuisine ; depuis la modiste qui met en montre ces toques extravagantes, brodées d’or, hérissées de plumes, sous lesquelles l’imagination dessine instinctivement un profil chiffonné, un œil en coulisse, jusqu’au savetier en train de remettre des talons à toute une série de galantes bottines alignées sur la planchette de son échoppe et au dessus desquelles, par une évocation contraire, flottent en vague et tentante vision, toutes sortes de fines chevilles, de jolis mollets, de bas multicolores et bien tendus habitués à trotter, sans craindre la clarté du jour, sous une jupe artificieusement retroussée.

Rue charmante, vers cinq heures du soir, un peu avant le gaz allumé, alors que, par toutes ses portes, débordent des escouades bientôt devenues régiment d’aimables petites malheureuses armées en guerre, — les dents aiguisées, les lèvres peintes, les chignons redorés de frais, — prêtes à descendre sur Paris.

Mais, à onze heures du matin, le clairon des