Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/273

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baissa en me guettant du coin de l’œil comme s’il eut craint de ma part quelque tardive revendication. Mon attitude volontairement indifférente et distraite le rassura. Il ramassa la fleur, souffla dessus pour faire envoler les quelques grains de poussière qui en souillaient la soie fripée et les offrit en disant :

— « Les veux-tu, Lalie ? »

Lalie répondit :

— « Je les mettrai dans l’eau c’est des fleurs riches, par malheur elles ne durent pas… »

Puis, la fillette regardant les fleurs, le garçon regardant la fillette, tous les deux s’émerveillant, ils disparurent au détour de la première rue.

C’était la rentrée de six heures. Les ateliers, les magasins de l’autre côté de l’eau désertés, ramenaient à travers les ponts dans ces quartiers relativement suburbains, des escadrons de jeunes ouvrières.

Or, tandis que la brise apportait de Meudon, de Sèvres, par dessus les champs et les bois, mille tentations printanières ; et que le ciel, rouge sur Grenelle, colorait d’un reflet féerique la cime des arbres et l’angle des toits ; tout ému de l’idylle entrevue, si ingénument faubourienne, d’un naturalisme si délicat, et digne d’inspirer la muse de Coppée, je me pris à envier ces deux enfants qui, selon les préceptes de la sagesse païenne, avaient su cueillir l’amour qui passe, la fleur qui s’offre. Et je son-