Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/306

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En proie à cette mélancolie qui précède l’heure des séparations, mélange d’amertume et de douceur pareil au parfum de l’aubépine, nous voulûmes faire à pied la route de Saint-Gratien à Enghien. Les populations nous regardaient passer, et dans les arbres qui bordent le lac — d’aspect si poétique à ce moment du jour avec ses contours indécis et ses îles emperlées de brume légère, — les oiseaux s’arrêtaient de chanter pour admirer notre caravane. Mais peu nous importait l’opinion des oiseaux, encore moins peu celle des hommes ! Paris me semblait loin, très loin, et les conventions sociales n’existaient plus.

Comme il y avait danger de manquer le train, on me dépêcha en avant afin de prendre les billets. J’arrivai à temps au guichet, et nous ne manquâmes pas le train.

— « Pressons-nous, sapristi !… » Les femmes s’enfournèrent dans un compartiment vide, les hommes se casèrent chacun comme ils purent : on se retrouvera pour les adieux à la gare Saint-Lazare ! j’ouvre une portière, j’entre, je m’assieds, et me voilà en route vers Paris, un châle rouge sur les épaules et serrant précieusement entre mes genoux un seau débordant de monnaie.

Mon voisin de face se met à tousser comme quelqu’un qu’une émotion subite étrangle je lève la tête : malédiction ! mon beau-père, mon