Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tout à coup, d’une guinguette cachée sous les saules une chanson nous arriva.

Nous n’entendions que la musique. Mais cette mélodie, sur laquelle l’accompagnement semblait mettre des taches de riches couleurs, ne pouvait, pareille à l’aile d’un papillon aux tons de pourpre, aux délicates découpures, emporter avec elle que d’admirables vers.

— « Si nous nous arrêtions ici ?

— Ici ou ailleurs, pourvu qu’il y ait de la friture. »

Nous débarquons. Mais jugez de notre surprise. Cet exquis chanteur, dont la voix chaude et juste soutenue d’accords passionnés s’unissait dans une harmonie si douce aux mélancolies du jour finissant, c’était le chanteur de tantôt, le jeune drôle à la guitare.

En nous voyant, il s’était tu ; ce qui nous permit de lui adresser la parole sans impolitesse. Il nous avait reconnu d’ailleurs, et riait :

— « Avez-vous vu ce vieux monsieur qui s’imaginait que, pour un sou, on lui donnerait de la musique ? du Meyerbeer, quoi ? du Wagner !

— Il me semble pourtant que tout à l’heure…

— Oui, tout à l’heure, je ne dis pas. On fait quelquefois de la vraie musique quand vos moyens vous le permettent ; mais cette musique-là, c’était pour moi !… Pour Bibi !… » reprit-il d’une voix redevenue soudain ironique.