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En peu de temps on vit ériger en Bretagne un grand nombre de calvaires ; mais beaucoup d’entre eux étaient informes, Hernot n’étant pas encore né.

Les nouvelles croix n’étaient donc pas rares et se perfectionnaient chaque jour ; mais quand le fer fut découvert, une révolution s’opéra dans la sculpture religieuse.

On en fit des marteaux, on en fit quantité de coins ; marteaux et coins, masses et ciseaux faisaient voler en éclats les rochers de la Bretagne.

Tous les artistes travaillaient avec courage ; et, aidés par les conseils des prêtres, ils se jetèrent à l’envi sur la pierre, et apprirent à lui donner des formes gracieuses.

Pendant bien des siècles, les calvaires s’élevaient paisiblement en Armor, mais vint le règne des méchants, et ceux-ci firent changer la face des choses.

Le vrai Dieu fut méprisé ; on le révoqua même en doute, et ses croix furent fort maltraitées : elles furent mutilées, brisées, détruites par les mains sacriléges des pécheurs furieux.

Les statues par eux furent étêtés ; les morts mêmes n’étaient pas respectés ; une tombe faisait peine à voir à ces malheureux que la mort n’a pas épargnés.

C’était un bien triste spectacle que d’assister à toutes ces horreurs, et les pauvres Bretons gémissaient comme les vents qui soufflent dans les vieilles masures.