Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/118

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— Combien avez-vous de femmes légitimes ?

— J’en ai quatre, c’est-à-dire le nombre autorisé par le Koran.

— Vivent-elles en bonne intelligence ?

— Ah ! Monsieur, ma maison est un enfer. Je ne rentre jamais sans les trouver au pas de la porte ou au bas de l’escalier ; là, chacune veut me faire entendre la première les plaintes qu’elle a à porter contre ses compagnes. Je vais prononcer un blasphème, mais je crois que notre sainte religion devrait interdire la multiplicité des femmes à qui n’est pas assez riche pour donner à chacune une habitation à part.

— Mais, puisque le Koran vous permet de répudier même les femmes légitimes, pourquoi ne renvoyez-vous pas trois d’entre elles à leurs parents ?

— Pourquoi ? parce que cela me ruinerait ; le jour du mariage, on stipule une dot avec le père de la jeune fille qu’on va épouser, et on en paie la moitié. L’autre moitié est exigible le jour où la femme est répudiée. Ce serait donc trois demi-dots que j’aurais à payer si je renvoyais trois de mes femmes. Je dois, au reste, rectifier ce qu’il y a d’inexact dans ce que je disais tout à l’heure, que jamais mes quatre femmes n’avaient été d’accord. Une fois, elles se trouvèrent unies entre elles dans le sentiment d’une haine commune. En passant au marché, j’avais acheté une jeune négresse. Le soir, lorsque je me retirais pour me coucher, je m’aperçus que mes femmes ne lui avaient pas préparé une couche, et que la malheureuse était étendue sur le carreau ; je roulai mon pantalon, et le mis sous sa tête en guise d’oreiller. Le matin,