Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/159

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Le public, nonobstant les dénégations les plus expresses, suppose presque toujours qu’un auteur a connu tout ce qu’il a pu connaître, et le droit dont il est investi de traiter avec une sévérité implacable ceux qui sciemment se sont emparés des travaux de leurs prédécesseurs, est l’origine de plus d’une injustice. Aussi Lagrange racontait-il que, dans sa jeunesse, il éprouva un si profond chagrin en trouvant, par hasard, dans les œuvres de Leibnitz, une formule analytique dont il avait parlé à l’Académie de Turin, comme d’une découverte à lui, qu’il s’évanouit complétement. Peu s’en fallut même, que dès ce jour, il ne renonçât tout à fait aux études mathématiques. La démonstration de l’aberration était trop peu importante pour inspirer à Fresnel un pareil découragement ; d’ailleurs, il ne l’avait point imprimée ; toutefois, cette circonstance le rendit extrêmement timide, et depuis il ne publia jamais de mémoire sans s’être assuré, par le témoignage d’un de ses amis à qui les collections académiques étaient plus familières, qu’il n’avait pas, suivant un dicton populaire devenu chez lui une formule habituelle, enfoncé des portes ouvertes.

Les premières recherches expérimentales de Fresnel ne datent que du commencement de 1815 ; mais à partir de cette époque, les mémoires succédèrent aux mémoires, les découvertes aux découvertes, avec une rapidité dont l’histoire des sciences offre peu d’exemples. Le 28 décembre 1814, Fresnel écrivait de Nyons : « Je ne sais ce qu’on entend par polarisation de la lumière ; priez M. Mérimée, mon oncle, de m’envoyer les ouvrages dans lesquels je pourrai l’apprendre. » Huit mois