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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/489

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ler les prolétaires à des brutes ; leur demander des efforts journaliers qui ruinent leur santé, et que la science peut tirer, au centuple, de l’action du vent, de l’eau, de la vapeur, ce serait marcher en sens contraire du but qu’on veut atteindre ; ce serait vouer les pauvres à la nudité ; réserver exclusivement aux riches une foule de jouissances qui sont maintenant le partage de tout le monde ; ce serait, enfin, revenir de gaieté de cœur, aux siècles d’ignorance, de barbarie et de misère.

Il est temps de quitter ce sujet, quoique je sois loin de l’avoir épuisé. Je n’aurai certainement pas triomphé d’une foule de préventions invétérées, systématiques. Du moins, je puis espérer que mon plaidoyer obtiendra l’assentiment de ces mille et mille oisifs de la capitale, dont la vie se passe à coordonner le goût des plaisirs avec les exigences de leur mauvaise santé. Dans quelques années, grâce aux découvertes de Watt, tous ces sybarites, incessamment poussés par la vapeur sur des chemins de fer, pourront visiter rapidement les différentes régions du royaume. Ils iront, dans le même jour, voir appareiller notre escadre à Toulon ; déjeuner à Marseille avec les succulents rougets de la Méditerranée ; plonger à midi leurs membres énervés dans l’eau minérale de Bagnères, et ils reviendront le soir, par Bordeaux, au bal de l’Opéra ! Se récrie-t-on ? je dirai que mon itinéraire suppose seulement une marche de vingt-six lieues à l’heure ; que divers essais de voitures à vapeur ont déjà réalisé des vitesses de quinze lieues ; que M. Stephenson, enfin, le célèbre ingénieur de Newcastle, offre de construire des machines deux fois et demie plus rapides : des machines qui franchiront 40 lieues à l’heure !