Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/625

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notre confrère. Déjà il ne reste plus de vestiges des accusations articulées dans le rapport officiel présenté en l’an vi au conseil des Cinq-Cents : en quelques pages, Carnot les réduisit au néant. Tout ce que la malveillance ou la simple préoccupation osent emprunter aujourd’hui au pamphlet si artificieusement élaboré de Bailleul se réduit à un reproche banal grossièrement exprimé, et dont j’aurais dédaigné de faire mention, si Carnot n’avait indiqué lui-même à quelles conditions il l’acceptait.

Les roués politiques qualifient de niais tous ceux qui dédaigneraient des succès achetés aux dépens de la bonne foi, de la loyauté, de la morale ; mais il ne faut pas s’y méprendre, niais est l’épithète polie ; stupide est celle qu’on préfère alors qu’on ne se croit pas tenu à des ménagements et au langage de la bonne compagnie. Cette épithète, dédaigneusement jetée dans le rapport officiel de Bailleul, avait cruellement blessé Carnot ; elle est ironiquement reproduite presque à chaque page de la réponse de notre confrère. « Oui, dit-il quelque part, le stupide Aristide est chassé de son pays ; le stupide Socrate boit la ciguë ; le stupide Caton est réduit à se donner la mort ; le stupide Cicéron est assassiné par l’ordre des triumvirs ; oui ! le stupide Phocion aussi est conduit au supplice, mais glorieux de subir le sort réservé de tout temps à ceux qui servent bien leur pays. »

Carnot s’échappa du Luxembourg à l’instant même où des sbires entraient dans sa chambre pour l’arrêter. Une famille d’artisans bourguignons le recueillit et le cacha. Ceux dont la vie est une série non interrompue de privations savent toujours compatir au malheur. Notre confrère