Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/118

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Il croyait satisfaire aux prescriptions impérieuses de la médecine ou au prières instantes de l’amitié ; il croyait vraiment reposer son esprit, lorsque, dans la journée, il passait plusieurs heures ou dans une obscurité profonde, ou sans avoir à la main ni livre, ni plume, ni crayon. Une semblable illusion ne pouvait nous fasciner. Aussi, qu’on ne s’en étonne point, en cherchant pour notre ami une distraction réelle, nous avons désiré l’entraîner à la Comédie-Française ; nous avons voulu associer un homme qui, dans sa jeunesse, composait des tragédies, au plaisir noble et pur qu’excitaient les chefs-d’œuvre de Corneille, de Racine, de Molière, à une époque surtout où ces poëtes immortels avaient pour interprètes les Talma, les Fleury, les mademoiselle Mars.

Craignant chez notre ami l’influence puissante des scrupules religieux, nous avons cru devoir lui raconter que, du temps de Louis XIV, une dame de la cour ayant demandé à son confesseur si elle faisait mal d’aller au spectacle, n’en reçut que cette réponse : C’est à vous, Madame, de me le dire. De si admirables paroles ne pouvaient manquer de frapper une imagination vive et éclairée. Un moment nous avons cru notre cause gagnée : elle l’était, en effet, dans l’esprit et dans le cœur d’Ampère ; mais pouvions-nous insister, quand nous le vîmes arrêté par la crainte, très-respectable, de blesser les personnes dont naguère il partageait les opinions sur le point que nous venions de débattre ? C’était, disons-le en passant, la critique anticipée des nombreux revirements opérés récemment sous nos yeux, et que la conscience publique a flétris, moins encore par tout ce qu’ils avaient eu de sou-