Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/127

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autre séance. J’en ferai le sujet d’une proposition spéciale sur laquelle, bien entendu, j’attendrai l’opinion du public avant de la soumettre aux chances d’un vote législatif. Il est un point cependant sur lequel, dès aujourd’hui, aucune dissidence ne s’élèverait ; tout le monde reconnaîtra que, sous le régime libéral dont je viens de tracer l’esquisse, Ampère eût été un des savants sur lesquels la munificence du pays se fût épanchée la première. Libre alors de tous soins, de toute inquiétude ; débarrassé d’une multitude d’occupations assujettissantes, de détails mesquins, de servitudes minutieuses, notre ami aurait poursuivi avec ardeur, avec amour, avec persévérance, les mille idées ingénieuses qui journellement traversaient sa vaste tête. Je disais tout à l’heure que les découvertes, les travaux qu’il a laissés après lui, occuperont une place éminente dans l’histoire des sciences, que la postérité les remarquera. J’ajoutais cependant, sans craindre les dénégations de personne, qu’elles ne sont qu’une fort petite partie de ce qu’on avait le droit d’attendre d’une des plus subtiles, des plus profondes intelligences que la nature eût créées ; de la réunion, si rare, de l’esprit de détail à la force de généralisation. Cette réflexion ne m’appartenait pas ; je l’avais aperçue, tantôt à nu et tantôt voilée, à toutes les pages de la correspondance d’Ampère avec ses amis d’enfance. Chaque jour notre confrère mettait malheureusement en balance ce qu’il faisait et ce qu’il aurait pu faire ; chaque jour les résultats de cet examen ajoutaient à sa profonde tristesse. Vous savez maintenant ce qui empoisonna sa vie ; ce qui lui faisait désirer qu’on inscrivît sur sa tombe l’épitaphe