Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/129

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être question ici et entre nous que de vérités éternelles. » À ces exclamations succédèrent de profonds développements sur les liens délicats, subtils, imperceptibles au commun des hommes, qui unissent les diverses sciences. Bientôt après, franchissant le cadre que M. Bredin avait fini par lui concéder, Ampère, saisi d’un mouvement d’enthousiasme, évoqua à son tribunal, pendant plus d’une heure, les personnages de l’antiquité et de notre époque qui ont influé d’une manière utile ou fâcheuse sur le sort de leurs semblables. Ce violent effort l’épuisa. Le mal s’accrut pendant le reste du voyage. En arrivant à Marseille, cette ville qu’il aimait tant, qui une première fois l’avait vu renaître à la vie, qui avait comblé son fils de prévenances affectueuses, Ampère était dans un état presque désespéré. Les soins tendres et respectueux de tous les fonctionnaires du collége, ceux d’un savant médecin, amenèrent une légère amélioration. L’âge peu avancé de notre ami était aussi un sujet d’espérance. On ne songeait pas qu’Ampère aurait pu dire, comme le peintre hollandais van Orbeeck, comptez double, Messieurs, comptez double, car j’ai vécu jour et nuit !

Notre confrère ne partagea lui-même aucune des illusions de l’amitié. En quittant Paris il regardait sa mort comme prochaine. J’en trouve la preuve dans une lettre qu’on m’a communiquée depuis peu, et dans cette réponse aux exhortations pressantes de l’aumônier du collége de Marseille : « Merci, monsieur l’abbé, merci ; avant de me mettre en route j’avais rempli tous mes devoirs de chrétien. » La résignation d’Ampère à ses derniers moments, étonna tous ceux qui connaissaient son caractère ardent,