Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

contemporains de Condorcet que la mort n’a pas encore moissonnes. Si, malgré tous mes soins, je me suis quelquefois égaré, je recevrai les rectifications (bien entendu les rectifications motivées) avec une profonde reconnaissance.

On a peut-être remarqué que j’ai intitulé mon travail Biographie, et non pas, comme d’habitude, Éloge historique. C’est, en effet, une biographie minutieuse, détaillée que j’ai l’honneur de soumettre à l’Académie. Sans examiner, en thèse générale, ce que la direction des idées, les besoins de la science, pourront exiger de vos secrétaires dans un avenir plus ou moins éloigné, j’expliquerai comment, dans cette circonstance spéciale, l’ancienne forme ne m’aurait pas conduit au but que je voulais, que je devais atteindre à tout prix.

Condorcet n’a pas été un académicien ordinaire, voué aux seuls travaux de cabinet ; un philosophe spéculatif, un citoyen sans entrailles ; les coteries littéraires, économiques, politiques, se sont emparées depuis longtemps de sa vie, de ses actes publics et privés, de ses ouvrages. Personne n’a eu plus à souffrir de la légèreté, de la jalousie et du fanatisme, ces trois redoutables fléaux des réputations. En traçant un portrait que je me suis efforcé de rendre ressemblant, je ne pouvais avoir la prétention d’être cru sur parole. Si pour chaque trait caractéristique je m’étais borné à réunir, à conserver soigneusement pour moi seul, tout ce qui établissait la vérité de mes impressions, je n’aurais pas fait assez : il fallait mettre le public à même de prononcer en connaissance de cause entre la plupart de mes prédécesseurs et moi ; il fallait donc com-