Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/144

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était dans le programme. » La condition y était effectivement, mais Condorcet avait, comme il le disait lui-même, une répugnance extrême pour les calculs « qui exigent beaucoup d’attention sans la captiver. » Chacun a déjà compris que j’ai voulu désigner les calculs numériques.

Dans le glorieux contingent de découvertes mathématiques dont le monde est redevable à la France, figure une branche de calcul, encore très-mal appréciée, malgré les services qu’elle a déjà rendus, malgré tous ceux qu’elle promet encore : c’est le calcul des probabilités.

Je n’hésite pas à placer la découverte du calcul des probabilités parmi les titres scientifiques de notre pays, malgré les tentatives qu’on paraît vouloir faire pour l’en dépouiller. Ériger en inventeurs de ce calcul les auteurs de quelques remarques numériques, sans exactitude, sur les diverses manières d’amener une certaine somme de points dans le jet simultané de trois dés, serait une prétention sans base ; des préjugés nationaux invétérés pourraient à peine l’excuser.

Malherbe, à soixante-treize ans, voulait se battre contre le jeune meurtrier de son fils. « Vous êtes trop vieux, lui disait-on. — Ne voyez-vous pas, répondit le poëte, que la partie est tout entière à mon avantage : je ne hasarde qu’un denier contre une pistole. » Cette repartie était plus fortement imprégnée des principes du futur calcul que les remarques dont on a voulu s’étayer en faveur d’un pays voisin. Cependant, quelqu’un s’avisa-t-il jamais de dire : Enfin Malherbe vint, et ouvrit de nouvelles voies aux mathématiques ? Les vrais, les incontestables inventeurs du calcul des probabilités, sont Pascal et Fermat.