Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeter dans les discussions d’un intérêt souvent très-problématique de l’économie sociale, et dans l’arène ardente de la politique ! Si ce fut une faute, bien d’autres, hélas ! s’en sont aussi rendus coupables. En voici, au surplus, l’explication :

Convaincu de bonne heure que l’espèce humaine est indéfiniment perfectible, Condorcet (je copie) « regardait le soin de hâter ses progrès comme une des plus douces occupations, comme un des premiers devoirs de l’homme qui a fortifié sa raison par l’étude et par la méditation. »

Condorcet exprimait la même pensée en d’autres termes, lorsque, après la destitution de Turgot, il écrivait à Voltaire : « Nous avons fait un bien beau rêve, mais il a été trop court. Je vais me remettre à la géométrie. C’est bien froid de ne plus travailler que pour la gloriole, quand on s’est flatté quelque temps de travailler pour le bien public. »

J’oserai ne pas admettre cette distinction. La gloriole dont parle Condorcet va tout aussi directement au bénéfice de l’humanité que les recherches philosophiques, économiques, auxquelles notre confrère avait pris tant de goût dans la société de Turgot. Le bien qu’on fait par les sciences a même des racines plus profondes, plus étendues que celui qui nous vient de toute autre source. Il n’est pas sujet à ces fluctuations, à ces caprices soudains, à ces mouvements rétrogrades qui portent si souvent la perturbation dans la société. C’est devant le flambeau des sciences que se sont dissipés cent préjugés anciens et abrutissants, maladies invétérées du monde