Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/199

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les instructions que les membres de l’Assemblée constituante apportaient de tous les points du royaume. Son programme, parfaitement conforme d’ailleurs aux cahiers les mieux conçus des assemblées provinciales, était rédigé d’avance ; il en avait trouvé les éléments dans une étude philosophique et approfondie des droits naturels dont une société bien organisée ne doit pas, ne peut pas priver le plus humble citoyen. Les idées, les vœux, les espérances de notre confrère formaient le couronnement de la Vie de Turgot, publiée en 1786. Aujourd’hui même que la plupart des institutions réclamées par Condorcet, au nom de la raison et de l’humanité, ont été définitivement conquises, les publicistes pourront encore beaucoup apprendre en usant le travail de notre confrère. Ils y verront avec étonnement peut-être, mais aussi avec une entière évidence, que le principe vague du plus grand bien de la société a souvent été une source féconde de mauvaises lois, tandis qu’on arriverait sur toute question à des règlements, à des prescriptions dont la raison publique proclamerait hautement la nécessité et la justice, en visant sans relâche au maintien de la jouissance des droits naturels.

Je ne sais si, dans la disposition actuelle des esprits, mon appréciation de l’œuvre de l’illustre philosophe aurait l’assentiment général ; j’ose affirmer, du moins, que tout homme loyal n’éprouverait qu’un sentiment de respect, en voyant avec quelle vigueur, dès l’année 1786, le marquis Caritat de Condorcet attaquait les privilèges nobiliaires.

Condorcet, après de fortes études, avait écrit, sous la