Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/213

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déclarait, avec non moins de sincérité, que, sous peine de violer les premiers principes de la jurisprudence, la Convention ne pouvait pas juger le roi. La justice politique était à ses yeux une véritable chimère. Une même assemblée à la fois législatrice, accusatrice et juge, s’offrait à ses yeux comme une monstruosité de l’exemple le plus dangereux. Dans tous les temps, ajoutait-il, et dans tous les pays, on a regardé comme légitimement récusable le juge qui, d’avance, avait manifesté son opinion sur l’innocence ou sur la culpabilité d’un accusé. En effet, on ne peut pas attendre une bonne justice des hommes qui, forcés de renoncer à une opinion énoncée publiquement, encourraient, au moins, le reproche de légèreté ; or, disait Condorcet, dans une déclaration solennelle adressée à la nation suisse, la Convention s’est déjà prononcée sur la culpabilité du roi. Condorcet demandait, au reste, que dans le cas de la condamnation, on se réservât le droit d’atténuer la peine : « Pardonner au roi, disait-il, peut devenir un acte de prudence ; en conserver la possibilité sera un acte de sagesse. »

C’est dans le même discours que je lis ces paroles, dont la beauté dut être rehaussée par les circonstances solennelles où se trouvait l’orateur :

« Je crois la peine de mort injuste… La suppression de la peine de mort sera un des moyens les plus efficaces de perfectionner l’espèce humaine, en détruisant le penchant à la férocité qui l’a longtemps déshonorée… Des peines qui permettent la correction et le repentir, sont les seules qui puissent convenir à l’espèce humaine régénérée. »

La Convention dédaignant tous les scrupules que Con-