Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/226

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de paralyser la puissance publique, de tromper les citoyens et l’Assemblée nationale. On leur résista faiblement et sans direction, parce que le véritable état des choses ne fut pas connu. »

N’êtes-vous pas heureux, Messieurs, de voir le peuple, le véritable peuple de Paris, déchargé de toute solidarité dans la plus odieuse boucherie, par un homme dont les lumières, le patriotisme et la haute position sont une triple garantie de véracité ? Désormais, il ne sera plus permis de considérer comme l’expression d’une opinion individuelle, d’un sentiment isolé, cette apostrophe d’un ouvrier aux sbires de la commune, que j’ai recueillie dans les mémoires du temps :

« Vous prétendez massacrer des ennemis ! Moi, je n’appelle jamais ainsi des hommes désarmés. Conduisez au Champ-de-Mars ceux de ces malheureux qui, dites-vous, se réjouissaient des défaites de la république ; nous les combattrons en nombre égal, à armes égales, et leur mort n’aura rien alors qui puisse nous faire rougir. »

Condorcet supporta avec une grande résignation sa réclusion cellulaire, jusqu’au jour où il apprit la mort tragique des conventionnels girondins qui avaient été condamnés le même jour que lui. Cette sanglante catastrophe concentra toutes ses idées sur les dangers que courait madame Vernet. Il eut alors avec son héroïque gardienne, un entretien que, sous peine de sacrilège, je dois reproduire sans y changer un seul mot :

« Vos bontés, Madame, sont gravées dans mon cœur en traits ineffaçables. Plus j’admire votre courage, plus mon devoir d’honnête homme m’impose de ne point en abuser.