Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/242

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toute nature à ceux dont les souffrances venaient de lui être révélées.

Vous savez maintenant le véritable sens de ces paroles de d’Alembert : « Condorcet est un volcan couvert de neige. » On s’est complétement mépris sur la pensée de l’immortel géomètre, en persistant à voir dans son assimilation pittoresque la violence de caractère recouverte du masque de la froideur.

D’Alembert avait vu le volcan en complète action dans l’année 1771. Le géomètre, le métaphysicien, l’économiste, le philosophe Condorcet, dominé par des peines de cœur, était devenu pour toutes ses connaissances un objet de pitié. Il alla même jusqu’à penser au suicide. Rien de plus curieux que la manière dont il repoussait les palliatifs que Turgot, son confident, lui recommandait : « Faites des vers : c’est un genre de composition auquel vous êtes peu habitué, il captivera votre esprit. — Je n’aime pas les mauvais vers ; je ne pourrais souffrir les miens ! — Attaquez quelque rude problème de géométrie. — Quand un goût dépravé nous a jetés sur des aliments à saveur forte, tous les autres aliments nous déplaisent. Les passions sont une dépravation de l’intelligence ; en dehors du sentiment qui m’absorbe, rien au monde ne saurait m’intéresser. » Pour essayer de tous les moyens, comme font les médecins dans les maladies désespérées, Turgot invoquait force exemples empruntés à l’histoire ancienne et moderne, même à la mythologie. Soins superflus ; le temps seul pouvait guérir, le temps seul guérit, en effet, la profonde blessure qui rendit notre confrère si malheureux.

Si le public avait grandement tort de refuser à Con-