Aller au contenu

Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui avait donné les plus admirables preuves de dévouement. M. de Lamartine l’explique, suivant moi, par des causes bien puériles. Voici le passage des Girondins qui a trait à la fuite de Condorcet :

« Condorcet aurait été heureux et sauvé s’il eût su attendre ; mais l’impatience de son imagination ardente l’usait, et le perdit. Il fut saisi, au retour du printemps et à la réverbération du soleil d’avril contre les murs de sa chambre, d’un tel besoin de liberté et de mouvement, d’une telle passion de revoir la nature et le ciel, que madame Vernet fut obligée de le surveiller comme un véritable prisonnier, de peur qu’il n’échappât à sa bienveillante surveillance. Il ne parlait que du bonheur de parcourir les champs, de s’asseoir à l’ombre d’un arbre, d’écouter le chant des oiseaux, le bruit des feuilles, la fuite de l’eau. La première verdure des arbres du Luxembourg, qu’il entrevit de sa fenêtre, porta cette soif d’air et de mouvement jusqu’au délire. »

Voyons ce qu’il y a de vrai dans ces assertions.

Si Condorcet était dominé par le désir de s’asseoir à l’ombre d’un arbre et d’entendre le bruit des feuilles, il pouvait se donner cette satisfaction sans quitter la maison de madame Vernet, car il y avait dans la cour cinq gros tilleuls.

En tout cas, les arbres du Luxembourg, dont la première verdure, dit M. de Lamartine, donna le vertige à l’ancien secrétaire de l’Académie des sciences, doivent être mis hors de cause ; car alors on ne les voyait pas, je crois, de la rue Servandoni ; et je puis affirmer qu’ils étaient complétement invisibles des fenêtres de la maison