Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/299

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quoi il détestait Sedaine, j’aurai le droit de répondre : Vous ne connaissez pas le cœur humain.

Bailly résista fermement aux sollicitations impérieuses de son ancien protecteur, et même à la demande de s’absenter de l’Académie le jour de la nomination. Il n’hésita pas à sacrifier les douceurs et les avantages d’une amitié illustre à l’accomplissement d’un devoir ; il répondit à celui qui voulait être maître : « je veux être libre. » Honneur à lui !

L’exemple de Bailly avertit les timides de ne jamais écouter de simples prières, quelle qu’en soit la source ; de ne céder qu’à de bons arguments. Ceux qui ont assez peu songé à leur propre tranquillité pour s’immiscer dans les élections académiques un peu plus que par un vote silencieux et secret, verront, de leur côté, dans la noble et pénible résistance d’un homme honnête, combien ils se rendent coupables en essayant de substituer l’autorité à la persuasion ; en voulant soumettre la conscience à la reconnaissance.

À l’occasion d’un désaccord de même nature, l’astronome Lemonnier, de l’Académie des sciences, dit un jour à Lalande, son confrère et son ancien élève : « Je vous enjoins de ne plus mettre les pieds chez moi pendant une demi-révolution des nœuds de l’orbite lunaire. » Tout calcul fait, c’était neuf ans. Lalande se soumit à la punition avec une exactitude vraiment astronomique ; mais le public, malgré la forme scientifique de la sentence, la trouva d’une excessive sévérité. Que dira-t-on, alors, de celle qui fut prononcée par Buffon : « Nous ne nous verrons plus, Monsieur ? » Ces paroles sembleront à la fois