Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/337

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encore résultaient de la présence de plusieurs malades dans le même lit ; les aliments, les remèdes destinés à l’un, allaient très-souvent à l’autre ; enfin, Messieurs, dans ces lits à population multiple, les morts étaient pendant des heures, pendant des nuits entières, entremêlés avec les vivants. Le principal établissement de charité de Paris offrait ainsi ces accouplements affreux, que les poëtes de Rome, que les anciens historiens ont présentés, chez le roi Mézence, comme le dernier raffinement de la barbarie.

Tel était, Messieurs, l’état normal de l’ancien Hôtel-Dieu. Un mot, un seul mot dira ce qu’était l’état exceptionnel : alors, on plaçait des malades jusque sur les ciels de ces mêmes lits où nous avons trouvé tant de souffrances, tant de légitimes malédictions.

Jetons encore, Messieurs, avec notre illustre confrère, un coup d’œil sur la salle des opérations.

Cette salle était remplie de malades. Les opérations s’y faisaient en leur présence. « On y voit, disait Bailly, les préparatifs du supplice ; on y entend les cris du supplicié. Celui qui doit l’être le lendemain, a devant lui le tableau de ses souffrances futures ; celui qui a passé par cette terrible épreuve, doit être profondément remué et sentir renaître ses douleurs, à ces cris semblables aux siens ; et, ces terreurs, ces émotions, il les reçoit au milieu des accidents de l’inflammation ou de la suppuration, au préjudice de son rétablissement et au hasard de sa vie… À quoi sert, s’écrie justement Bailly, de faire souffrir un malheureux, si on n’a pas la probabilité de le sauver, si on n’augmente pas cette probabilité par toutes les précautions possibles ? »