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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/353

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La relation que Bailly a donnée de la célèbre séance royale du 23 juin n’est pas parfaitement d’accord avec ce que rapportent la plupart des historiens.

Le roi termina son discours par ces paroles imprudentes : « Je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite ! »

La totalité de la noblesse et une partie du clergé se retirèrent ; les députés des Communes restèrent tranquillement à leur place. Le grand maître des cérémonies l’ayant remarqué, s’approcha de Bailly, et lui dit : « Vous avec entendu l’ordre du roi, Monsieur ? » L’illustre président repartit : « Je ne puis pas ajourner l’Assemblée sans qu’elle en ait délibéré. — Est-ce bien là votre réponse, et puis-je en faire part au roi ? — Oui, Monsieur, » répondit Bailly. Et s’adressant aussitôt aux députés qui l’entouraient : « Il me semble, dit-il, que la nation assemblée ne peut pas recevoir d’ordre. »

Ce fut après ce débat, à la fois ferme et modéré, que Mirabeau lança de sa place à M. de Brézé l’apostrophe si connue. Notre confrère en désapprouve le fond et la forme ; il trouve que rien ne l’avait motivée ; car, dit-il, le grand maître des cérémonies n’avait point fait de menace ; car il n’avait aucunement insinué qu’on eût le dessein de recourir à la force ; car il n’avait pas surtout parlé de baïonnettes. Au reste, il y a une différence essentielle entre les paroles de Mirabeau consignées dans presque toutes les Histoires de la Révolution et celles que Bailly rapporte. Suivant notre illustre confrère, le fougueux tribun se serait écrié : « Allez dire à ceux qui vous envoient que la force des baïonnettes ne peut rien contre la volonté