Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/367

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gibier que sur un signe et au profit de leur maître ; prenant goût peu à peu à ces luttes sanglantes, chassant enfin avec passion et pour leur propre compte.

Marat se garda bien d’oublier qu’en temps de révolution les hommes naturellement suspects agissent dans leur intérêt le plus immédiat, en cherchant à rendre suspects ceux dont le devoir est de les surveiller. Le maire de Paris, le commandant général de la garde nationale, devaient donc être les premiers points de mire du folliculaire. En qualité d’académicien, Bailly avait un titre de plus à sa haine.

Chez les hommes du tempérament de Marat, les plaies d’amour-propre ne se cicatrisent jamais. Sans les passions haineuses puisées à cette source, qui pourrait croire qu’un individu, dont la vie était partagée entre la direction d’un journal quotidien, la rédaction de placards sans nombre dont il couvrait les murs de Paris, et les luttes de la Convention, les combats non moins acharnés des clubs ; qu’un individu qui, en outre, s’était donné la tâche d’imposer au pays la loi agraire, trouverait le temps d’écrire des lettres très-étendues contre les anciens adversaires officiels de ses mauvaises expériences, de ses absurdes théories, de ses élucubrations sans érudition et sans talent : des lettres où les Monge, les Laplace, les Lavoisier, sont traités avec un tel oubli de la justice et de la vérité, avec un tel cynisme, que mon respect pour cette assemblée m’interdit d’y puiser une seule citation.

Ce n’était donc pas seulement le maire de Paris que poursuivait le prétendu ami du peuple ; c’était aussi