Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/420

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gaieté française produit le même effet que le stoïcisme. » Ces paroles me revenaient à la mémoire au moment où je recueillais de diverses sources la preuve qu’en rentrant à la Conciergerie après sa condamnation, Bailly se montra à la fois stoïque et gai.

Il exigea que son neveu, M. Batbéda, fît avec lui, comme à l’ordinaire, une partie de piquet. Notre confrère pensait à toutes les circonstances de l’affreuse journée du lendemain avec un tel sang-froid, qu’il lui arriva pendant le jeu de dire en souriant à M. Batbéda : « Reposons-nous un instant, mon ami et prenons une prise de tabac ; demain je serai privé de ce plaisir, puisque j’aurai les mains attachées derrière le dos. »

Je citerai quelques paroles qui, tout en témoignant au même degré de la sérénité d’âme de Bailly, sont plus en harmonie avec son caractère sérieux et grave, plus dignes d’être recueillies par l’histoire.

Un des compagnons de captivité de l’illustre académicien lui adressait, le 11 novembre au soir, des reproches dictés par une tendre vénération : « Pourquoi, s’écriait-il, les yeux baignés de larmes, nous avoir laissé entrevoir la possibilité d’un acquittement ? Vous nous trompiez donc ? » — « Non, repartit Bailly ; je vous apprenais à ne jamais désespérer des lois de votre pays. »

Dans les paroxysmes d’un désespoir délirant, quelques prisonniers faisant un retour sur le passé, allaient jusqu’à regretter de n’avoir jamais enfreint les règles de la plus stricte honnêteté.

Bailly ramena ces intelligences momentanément égarées dans la ligne du devoir, en leur faisant entendre des