Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/423

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guidé presque aveuglément tous les historiens de notre révolution. Au fond, de quoi se composait-elle ? Le prisonnier de la Conciergerie l’a dit lui-même, de propos de valets de bourreau, répétés par des guichetiers.

J’admettrais volontiers qu’on m’opposât cette relation, malgré l’affreux cloaque où Riouffe avait été contraint de puiser, s’il n’était pas évident que cet écrivain spirituel voyait tous les événements révolutionnaires à travers la juste colère qu’une incarcération inique devait inspirer à un jeune homme vif et ardent ; si cette direction de sentiments et d’idées ne lui avait pas fait commettre des erreurs manifestes.

Qui n’a lu, par exemple, les larmes aux yeux, dans les Mémoires sur les prisons, ce que l’auteur rapporte de la fournée des quatorze jeunes filles de Verdun : « De ces filles, dit-il, d’une candeur sans exemple, et qui avaient l’air de jeunes vierges parées pour une fête publique. Elles disparurent, ajoute Riouffe, tout à coup, et furent moissonnées dans leur printemps. La cour des femmes avait l’air, le lendemain de leur mort, d’un parterre dégarni de fleurs par un orage. Je n’ai vu jamais parmi nous de désespoir pareil à celui qu’excita cette barbarie. »

Loin de moi la pensée d’affaiblir les sentiments pénibles que la catastrophe rapportée par Riouffe doit naturellement inspirer ; mais chacun l’a remarqué, la relation de cet écrivain est très-circonstanciée ; l’auteur semble avoir tout vu par ses propres yeux. Cependant, il a commis les plus graves inexactitudes.

Parmi les quatorze malheureuses femmes qu’on mit en jugement après la reprise de Verdun sur les Prussiens,