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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/439

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assignats, de la vente de leur maison de Chaillot. C’était une trentaine de mille francs. La mémoire affaiblie de la veuve infortunée ne lui rappela pas l’existence de ce trésor, même dans les moments de la plus grande détresse. Lorsque la vétusté de l’étoffe qui les cachait eut ramené les assignats au jour, ils n’avaient plus aucune valeur.

La veuve de l’auteur d’un des plus beaux ouvrages de l’époque, du savant membre de nos trois grandes Académies, du premier président de l’Assemblée nationale, du premier maire de Paris, se trouva ainsi réduite, par un revirement de fortune inouï, à implorer les secours de la pitié publique. Ce fut le géomètre Cousin, membre de cette Académie, qui, par ses sollicitations incessantes, fit inscrire madame Bailly au bureau de charité de son arrondissement. Les secours se distribuaient en nature. Cousin les recevait à l’Hôtel de Ville, où il était conseiller municipal, et allait les remettre lui-même rue de la Sourdière. C’était, en effet, rue de la Sourdière que madame Bailly avait trouvé gratuitement deux petites chambres dans la maison d’une personne compatissante, dont je regrette vivement de ne pas savoir le nom. Ne vous semble-t-il pas, Messieurs, que l’académicien Cousin, traversant tout Paris, ayant sous le bras le pain, la viande et la chandelle destinés à la malheureuse veuve d’un illustre confrère, ne s’honorait pas moins que s’il était venu à une de nos séances, ayant en portefeuille les résultats de quelque belle recherche scientifique ? De si nobles actions valent certainement de bons Mémoires.

Les choses marchèrent ainsi jusqu’à la révolution du