Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/538

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demander compte à ces hommes égoïstes qui, par leur indifférence, ont contribué à abréger les jours d’Abel, pour leur demander compte, disons-nous, de toutes les découvertes que sa mort nous a ravies, et dont quelques-unes, qu’il a énoncées sans démonstration, frappent d’étonnement tous ceux qui peuvent en comprendre l’importance, Était-ce bien le temps, au xixe siècle, de renouveler la mort du Camoëns ? »

Disculpons sans retard les membres les plus distingués de l’Académie des sciences de l’égoïsme, de l’indifférence dont le biographe les accuse ; montrons que l’odieuse imputation d’avoir contribué à abréger les jours d’Abel ne saurait les atteindre.

Le biographe déclare, avec le plus grand sérieux du monde, que « personne ne devina (à Paris) le génie du jeune géomètre norvégien. »

Je n’imagine pas que les mathématiciens français aient jamais cru posséder le don de la divination : ils passeront donc volontiers condamnation sur la sentence du biographe. Seulement, comme la faute de n’avoir pas soupçonné le mérite d’un homme serait d’autant plus grande qu’on aurait eu avec lui de plus longues relations, il est bon de remarquer ici l’erreur involontaire du biographe. On fixe à dix mois la durée du séjour d’Abel à Paris. Nous savons, nous, de science certaine, qu’arrivé dans la capitale en juillet 1826, le jeune géomètre la quitta en janvier 1827, ce qui donne un séjour de six mois, et non pas de dix. Nous savons aussi que, deux mois environ avant son départ, Abel écrivait à son ancien professeur Holmboe : « Cette capitale, la plus bruyante du continent.