Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/543

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jeunes mathématiciens, le Mémoire d’Abel resta enfoui parmi les papiers des commissaires. Plus tard on le combla d’éloges, mais il n’était plus temps. »

Voilà pourtant ce qu’un géomètre, né en pays étranger, et nommé très-jeune membre de l’Académie des sciences de Paris, osait imprimer du vivant de M. Poisson et à côté de M. Liouville, ces deux géomètres également célèbres par le talent d’invention et par l’érudition ! Mais passons outre.

« Le Mémoire d’Abel, affirme-t-on, resta longtemps enfoui dans les papiers des commissaires. »

Personne ne s’était douté, jusqu’ici, que MM. Legendre et Cauchy se fussent accordés à confondre leurs papiers ! En fait, je tiens ce détail de Poisson. Legendre ne garda le Mémoire d’Abel que très-peu de jours : ses yeux de près de quatre-vingts ans ne parvinrent pas à suivre, à déchiffrer avec sûreté des formules écrites avec une encre très-blanche. Le Mémoire passa donc, presque immédiatement, dans les mains de M. Cauchy.

L’illustre géomètre ne se hâta pas de faire le Rapport. En veut-on l’explication ? c’est qu’il se hâtait de compléter et d’imprimer ses propres découvertes ; c’est qu’à l’époque dont on parle, les cahiers des Exercices mathématiques se succédaient avec une rapidité dont le monde savant était étonné; c’est enfin, tranchons le mot, que l’Académie serait bientôt déserte, que ses membres les plus célèbres, les plus laborieux, donneraient leur démission, si les règlements exigeaient qu’à jour nommé, chaque académicien abandonnât ses travaux pour discuter les idées de quiconque aurait jeté un chiffon de papier