Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/568

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vers et tours vices. C’est de Molière que date l’égalité devant le parterre.

A l’époque des débuts de Molière, le faux bel esprit achevait d’envahir la France. Un jargon presque inintelligible, une galanterie ampoulée, du phébus dans l’expression de tous les sentiments, avaient usurpé, à Paris, comme dans la province, la place du naturel. Les Précieuses ridicules, parurent, et le naturel reprit son empire, et notre belle langue échappa à la ruine qui la menaçait.

Buffon disait : « Le style, c’est l’homme, » D’un seul trait, le grand peintre établissait ainsi les vrais rapports de l’auteur et de l’œuvre. Il aurait pu ajouter que dans un pays enclin à l’imitation, le mauvais style de quelques auteurs en renom, suffirait pour infecter les œuvres de tous et dénaturer le caractère national. Un petit acte de Molière préserva la France de ce malheur.

On chercherait vainement un vice, disons mieux, un ridicule, un simple travers, dont les moralistes dogmatiques aient réellement guéri les hommes. Molière, a été plus heureux. Voulez-vous connaître le langage fade et alambiqué des ruelles, des salons de l’hôtel de Rambouillet ? Lisez la comédie où Molière le balaya d’un revers de sa plume ; la société n’en offre plus de traces.

Molière a eu, dans les Femmes savantes, l’honneur d’anéantir le plus lourd, le plus insupportable des ridicules : l’abus de l’érudition.

Il n’est pas d’esprit sincèrement, consciencieusement voué à l’étude, qui ne le remercie aussi d’avoir flagellé le savoir dégradé par le pédantisme, et la manie des lectures de société.