Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/598

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former le monument le plus vaste, le plus imposant qui eût jamais été exécuté ou même conçu ! »

Prony se trouva à la hauteur d’une mission formulée dans des termes si inusités. Les dix-sept volumes grand in-folio qui renferment les tables encore manuscrites du Cadastre, surpassent de beaucoup, comme le prescrivait le programme républicain, non-seulement tous les travaux de ce genre que les hommes eussent entrepris jusque-là, mais aussi ce que jamais ils avaient osé concevoir de plus étendu. Les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de ces prodigieuses tables, des manœuvres qui pouvaient ne savoir, qui ne savaient en effet que l’addition et la soustraction, les calculèrent d’après des méthodes nouvelles. Le centième restant était déduit de formules analytiques, par des savants à qui Prony offrait ainsi un refuge assuré contre la tempête : c’était faire à la fois un travail très-utile et une bonne action.

Quelques paroles encore, et je n’aurai plus, Messieurs, qu’à vous remercier de votre bienveillante attention.

Prony était le moins exigeant, le moins impérieux des savants et des ingénieurs. En toute circonstance il disait son opinion sans déguisement, avec une entière franchise ; mais il faisait, en général, peu d’efforts pour conquérir des approbateurs ou des adhérents. Au reste, si l’amour de la vérité, si l’amour du bien public peuvent s’allier avec une grande réserve, l’esprit de prosélytisme n’est pas, d’autre part, un indice toujours certain de convictions profondes.

Ceux-là courent aussi le risque de se tromper qui, s’arrêtant à la surface, jugent des qualités du cœur