Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences - Astronomie populaire, tome 3.djvu/215

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suppléer à une mesure effective. L’isolement plus ou moins grand d’une montagne, l’inclinaison de ses flancs, sa distance, la forme, la disposition et la hauteur des terrains environnants, l’état de l’atmosphère enfin, sont autant de causes d’illusion dont l’observateur le plus exercé ne saurait s’affranchir, et qui disparaissent seulement devant le baromètre et les instruments géodésiques. S’il fallait citer des exemples à l’appui de ces réflexions, ils ne manqueraient pas. Ainsi, je pourrais dire qu’au commencement du xviiie siècle on regardait encore généralement le pic de Ténériffe comme la plus haute montagne du monde (voyez la Géographie de Varenius, revue par Newton), quoique les Alpes suisses renfermassent des sommités qui le surpassent de près d’un tiers, quoique des milliers de voyageurs revenant du Pérou eussent aperçu la grande Cordillère des Andes, et visité même des villes populeuses établies sur des plateaux beaucoup plus élevés que le pic. Je pourrais faire remarquer aussi que les Pyrénées avaient été parcourues par de savants académiciens, munis de grands instruments, qu’on donnait encore le Canigou pour la plus haute sommité de la chaîne, tandis que nous savons aujourd’hui non-seulement que la Malahite, le Mont-Perdu, le Cylindre, etc., le surpassent de 600 mètres, mais encore, d’après les observations récentes de M. Corabœuf, qu’à une petite distance de cette montagne, dans les limites mêmes du département des Pyrénées-Orientales, il existe des sommités de près de 140 mètres plus élevées, etc. Il ne faut donc pas s’étonner si de temps à autre certains pics descendent du rang qu’on leur avait assigné. Le Mont-Blanc lui-même, depuis si longtemps