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notes scientifiques.

Port-Jackson. Pendant plusieurs jours, elle se maintient presque exactement sur le parallèle de Sourabaya. Toutefois, à peine a-t-elle perdu de vue les terres de Java, que le tonnerre cesse de se faire entendre. En résumé, avant d’atteindre Sourabaya, les météorologistes de la Thétis n’ont aucun coup de tonnerre à enregistrer ; pendant le séjour dans la rade, et jusqu’à l’époque de l’appareillage, il tonne presque tous les soirs ; après le départ du navire, l’équipage n’entend plus rien. L’épreuve ne saurait être plus complète. Disons cependant de nouveau que la conséquence qui en découle est largement confirmée par l’ensemble des observations recueillies dans toutes les régions du globe. Ainsi, l’atmosphère océanique est beaucoup moins apte à engendrer des orages que celle des continents et des îles.

II.

Dans quelles saisons les coups de tonnerre foudroyants sont-ils le plus fréquents ?

Autant je suis éloigné de regarder l’ensemble des proverbes, des dictons populaires, comme le code de la sagesse des nations, autant je crois que les physiciens ont eu tort de n’accorder que leur dédain à ceux de ces proverbes qui se rapportent à des phénomènes naturels. Les accepter aveuglément serait assurément une grande faute ; mais ce n’en est pas une moindre que de les rejeter sans examen. En me laissant guider par ces principes, il m’est quelquefois arrivé déjà de trouver d’importantes vérités là ou l’on s’obstinait à ne voir que le fruit de la préoccupation et des préjugés. Aussi, malgré tout ce qu’il y avait d’improbable, disons mieux, de contraire aux idées reçues, dans l’aphorisme des campagnards :

« Les tonnerres ne sont jamais plus dangereux que dans les saisons froides. »

J’ai pensé devoir le soumettre à une épreuve dont personne n’a le droit d’appeler, à celle de l’observation. Cette épreuve, au surplus, voici de quelle manière simple il m’a paru qu’on pouvait la faire.

J’ai tenu note, dans mes lectures, DE TOUS les coups foudroyants à dates certaines signalés par les navigateurs, et je les ai classés par mois ; bien entendu qu’il a fallu ne comprendre dans ce recensement que les événements d’un seul hémisphère, car, au nord et au midi de l’équateur, les mois d’une même dénomination correspondent à des saisons opposées. J’ai dû aussi ne pas étendre le champ des observations jusqu’à ces régions des tropiques où les divers mois de l’année différent très-peu entre eux, sous le rapport de la température. J’ai échappé à toutes ces difficultés en me renfermant dans l’intervalle compris entre les côtes d’Angleterre et la Méditerranée inclusivement.

Voici maintenant les résultats :

JANVIER
1749. Le Dover, bâtiment marchand anglais.
Le 9, latit. 47° 30′ nord, longit. 22° 15′ ouest.
1762. Bellona, vaisseau anglais de 74.
Le…, latit…, longit…
1784. Le Thisbé, vaisseau de guerre anglais.
Le 3, côtes d’Irlande.