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Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.2.djvu/200

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souvenirs d’un aveugle.

de lutter contre la lave des volcans toujours prête à les dévorer, contre la turbulence des flots toujours prêts à les engloutir. Nous sommes des pygmées à côté de ce peuple géant.

Mais si ces délassements, ces distractions d’un peuple qui comprend si bien le plaisir, sont curieux à voir, il en est d’autres bien autrement merveilleux à observer et qui vous pénètrent de la plus vive admiration : je veux parler des luttes sérieuses de l’Océan contre ces natures bizarres, que des années de graves observations ne vous dévoileraient qu’imparfaitement. Ici, que la brise de mer souffle violente et par rafales, dès que la houle écumeuse se rue avec fracas contre la chaîne de brisants qui barricade le port, il faut suivre cet essaim de jeunes femmes à la démarche fière, à la tête levée, au regard plein d’animation, s’acheminant d’un pas ferme vers la solide barrière que la nature a opposée au courroux des flots. Les voilà, ces filles si bien façonnées pour d’autres jeux, debout sur les rocs envahis, se regardant avec le sourire sur les lèvres, les unes portant sur leurs épaules la petite planche nommée paba dont je vous ai déjà parlé ; les autres, armées seulement de leur courage, piétinant d’impatience, comme pour se plaindre de la tiédeur de l’ouragan ou de la mollesse de la vague. Celle-ci se dresse de toute sa hauteur ; accourue du large, elle monte, bondit, ouvre sa gueule prête à tout dévorer, et la jeune fille d’Anourourou, loin de s’effrayer de la