Aller au contenu

Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.2.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
souvenirs d’un aveugle.

était éloignée de plus de cent quatre-vingts milles. Nous avions démontré de manière à n’en pouvoir douter qu’aucune rivière ne pouvait tomber dans la mer entre le cap Otway et le golfe de Spencer, du moins aucune rivière tirant ses eaux de la côte orientale, et que le pays situé par le parallèle de 34° de longitude S. et par le méridien de 147° 30 de longitude était inhabitable, et n’offrait aucun espoir de pouvoir un jour y former un établissement.

« Dès lors il devint de mon devoir de rendre les ressources qui nous restaient aussi utiles à la colonie que notre position nous le permettait. Ces ressources étaient bien diminuées : un accident qui était arrivé à un de nos bateaux, au moment où notre expédition partit, nous avait privés d’un tiers de nos provisions sèches, dont nous avions été dans le principe fournis pour dix-huit semaines seulement, et nous avions conséquemment vécu quelque temps avec une modique ration de deux quarts de farine par chaque homme par semaine. Retourner au dépôt par la même route que nous avions prise en venant eût été une chose aussi inutile qu’impossible ; et considérant sérieusement l’intention des instructions de Votre Excellence, je résolus, après une délibération très-mûre, de revenir par la route qui me semblait devoir être la plus conforme aux vues de Votre Excellence, si elle avait été témoin de notre situation actuelle.

« Remontant donc la rivière de Lachlan, je recommençai à l’observer depuis l’endroit où nous la reconnûmes le 22 juin, avec l’intention de suivre ses bords jusqu’à ce que sa liaison avec les marais où nous la quittâmes le 17 mai fût établie d’une manière évidente, et de déterminer si quelques courants d’eau avaient échappé à notre recherche. La liaison avec tous les points déterminés auparavant fut complétée entre le 19 juillet et le 3 août. Dans l’espace parcouru durant cet intervalle, la rivière s’était divisée en plusieurs branches et formait trois beaux lacs qui, avec un autre situé près de l’endroit où se termina notre voyage dans l’ouest, étaient les seules pièces d’eau considérables que nous eussions vues jusqu’alors, et j’estimai que la rivière, depuis l’endroit où elle fut d’abord reconnue par M. Evans, avait parcouru, en comprenant tous ses détours, une étendue de plus de douze cents milles, longueur qui est sans exemple, lorsqu’on considère que la rivière coule sans recevoir aucun auxiliaire, et que sa source primitive constitue toute la quantité d’eau qu’elle a dans cette étendue.

« En la traversant à cet endroit, mon intention était de me diriger dans le nord-est pour couper le pays, et pour déterminer, s’il était possible, la situation de la rivière Macquarie, qui, bien évidemment, n’avait jamais joint le Lachlan. Cette direction nous conduisit à travers un pays aussi mauvais qu’aucun de ceux que nous avions jusqu’alors traversés, et également dépourvu d’eau, dont le besoin personnel nous mit