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voyage autour du monde.

sommes-nous toujours revenus de nos courses aventureuses, étonnés de notre bonheur après avoir satisfait notre curiosité.

Dès que nous voulions quelque chose et que les sauvages s’opposaient à ce qu’elle eût lieu, loin de les menacer de notre colère ou de les séduire par des promesses, auxquelles ils sont rarement portés à ajouter foi, nous feignions d’abord de ne pas être trop affligés de leurs refus, nous dansions ou mangions avec eux, et bientôt, comme si nous étions de leur famille, tous nos désirs étaient satisfaits. C’est ainsi qu’à Ombay nous avons recueilli des détails très-curieux et visité un village dont les habitants ont peut-être dévoré une centaine d’Européens. Mais ces avantages, quelque grands qu’ils soient pour les voyageurs, ne sont rien en comparaison de ceux que peuvent en retirer le botaniste, le zoologiste ou l’entomologiste : un arbre, une plante, un poisson, un animal quelconque, tout est recherché par eux dans des lieux surtout où la nature n’a pas encore été interrogée, et, pour que rien n’échappe à leur œil scrutateur ou à leurs observations scientifiques, ils ont souvent besoin d’avoir recours à ceux qui connaissent par expérience ce qu’eux-mêmes cherchent à étudier. Dès lors, comment pouvez-vous réussir avec le secours incertain des gestes ? Un mot seul met au courant le sauvage ; vous recueillez des détails et vous les rapportez dans votre patrie.

Nous avons conservé dans ces vocabulaires l’orthographe française. Il y a bien dans le langage des sauvages quelques sons que nos caractères ne peuvent pas rendre exactement, mais nous y avons placé les lettres qui nous en donnaient plus approximativement l’idée. Nous avons trouvé dans les vocabulaires des navigateurs anglais tant d’imperfection que, même avec leur secours, nous étions souvent dans l’impossibilité de nous faire comprendre. Cela tenait probablement aussi à la différence de prononciation qui existe entre leur manière et la nôtre. Owhyhée, Whahoo et Mouchée, par exemple, se prononcent ici comme en Angleterre : Ohahi, Houhahou et Mohouï. Nous avons évité toutes les difficultés de ce genre dans nos vocabulaires, et le seul moyen de se faire entendre est de prononcer toutes les lettres que nous avons employées.