Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/109

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au centre du groupe mobile. » Ma proposition fut acceptée. C’est alors, pour la première fois, que je vis que mon Arabe portait sous sa tunique un yatagan, dont il se servit pour piquer sa mule pendant tout le temps que nous fûmes dans le fourré. Soins superflus ! le sebâá ne se montra pas.

Chaque village étant une petite république dont nous ne pouvions traverser le territoire sans obtenir la permission et un passe-port du marabout président, le marabout conducteur de notre caravane nous abandonnait dans les champs et s’en allait quelquefois dans un village assez éloigné solliciter la permission sans laquelle il eût été dangereux de continuer notre route. Il restait des heures entières sans revenir, et nous avions alors l’occasion de réfléchir tristement sur l’imprudence de notre entreprise. Nous couchions ordinairement au milieu des habitations. Une fois, nous trouvâmes les rues d’un village barricadées, parce qu’on y craignait l’attaque d’un village voisin. L’avant-garde de notre caravane écarta les obstacles ; mais une femme sortit de sa maison comme une furie et nous assomma de coups de perches. Nous remarquâmes qu’elle était blonde, d’une blancheur éclatante, et fort jolie.

Une autre fois, nous couchâmes dans une cachette décorée du beau nom de caravansérail. Le matin, au lever du soleil, les cris de Roumi ! Roumi ! nous apprirent que nous avions été reconnus. Le matelot Méhémet, celui de la scène du serment de Palamos, entra tristement dans le bouge où nous étions réunis, et nous fit comprendre que les cris de Roumi ! vociférés dans cette circonstance,