Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/524

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momentanée. Le général prend constamment à tâche de s’effacer devant l’orateur, et de vray, dit le judicieux Montaigne, sa langue lui a faict en plusieurs lieux de bien notables services !

Maintenant, sans transition, sans même insister sur cette exclamation connue du grand Frédéric : « J’aimerais mieux avoir écrit le Siècle de Louis XIV de Voltaire, qu’avoir gagné cent batailles, » j’arrive à Napoléon. Comme il faut se hâter, je ne rappellerai ni les proclamations célèbres, écrites à l’ombre des pyramides égyptiennes par le membre de l’Institut, général en chef de l’armée de l’Orient ; ni les traités de paix où des monuments d’art et de science étaient le prix de la rançon des peuples vaincus ; ni la profonde estime que le général, devenu empereur, ne cessa d’accorder aux Lagrange, aux Laplace, aux Monge, aux Berthollet ; ni les richesses, ni les honneurs dont il les combla. Une anecdocte peu connue ira plus directement à mon but.

Tout le monde se rappelle les prix décennaux. Les quatre classes de l’Institut avaient tracé des analyses rapides des progrès des sciences, des lettres, des arts. Les présidents et les secrétaires devaient être successivement appelés à les lire à Napoléon, devant les grands dignitaires de l’empire et le conseil d’État.

Le 27 février 1808, le tour de l’Académie française arrive. Comme on peut le deviner, l’assemblée ce jour-là est plus nombreuse encore que d’habitude : qui ne se croit juge très-compétent en matière de goût ? Chénier porte la parole. On l’écoute avec un religieux silence, mais tout à coup l’Empereur l’interrompt, et la main sur le cœur, le