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RÉSIGNATION.

« Depuis lors, elle n’a plus crié ni pleuré ; seulement elle est plus silencieuse encore qu’elle n’était, et je vois plus souvent que de coutume les grains de son chapelet rouler entre ses doigts.

« Je nai presque plus rien à vous raconter. Mon père tomba tout à fait en enfance ; nous perdîmes un peu de la petite fortune qui faisait notre bien-être. Je voulus que mes parents ne s’en aperçussent pas ; les tromper était bien facile ! l’un ne comprend rien, l’autre n’y voit pas. Je me mis à travailler et à vendre en secret mes broderies. Je ne cause plus avec personne depuis que ma sœur est morte. J’aime la lecture, et je ne puis lire : il faut que je travaille. Je ne prends l’air que le dimanche ; je ne vais pas bien loin, car je suis seule.

« Il y a quelques années, lorsque j’étais plus jeune, j’ai beaucoup rêvé, là, à cette fenêtre, en regardant le ciel. Je peuplais ma solitude de mille chimères qui abrégeaient la longueur du jour. Maintenant une espèce d’engourdissement alourdit mes pensées, je ne rêve plus.