Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/80

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Mais arretons-nous ici, et ne nous abandonnons pas encore à ces douces et bienheureuses espérances. Il est si triste de déchoir, il est si pénible de retourner en arrière ! Ne nous livrons donc que doucement aux images de bonheur et de prospérité que nous pourrions nous faire : re- tardons notre confiance, afin de l'assurer ; et re- tenons notre imagination, afin de n'avoir pas à nous plaindre de ses fausses lueurs et de ses vaines promesses. Je dois, Messieurs, selon les ordres du Roi, commencer par vous rendre un compte fidèle de l'état des finances. Une guerre dispendieuse, une suite de circonstances malheureuses avaient in- troduit une grande disproportion entre les re- venus et les dépenses. Vous examinerez, Mes- sieurs, les moyens que le Roi m'ordonne de vous proposer pour ramener un équilibre si nécessaire : vous en chercherez de meilleurs, vous les indi- querez, et vous répondrez au vœu de la nation et à l'attente de l'Europe, en concourant de tous vos soins à établir dans les finances du plus grand empire un ordre qui soit à jamais assuré. C'est à remplir un si grand but que la sagesse de votre souverain vous appelle. Vous n'avez pas seulement à faire le bien, mais, ce qui est important encore, à le rendre durable et à l'abri des injures du temps et des fautes des hommes. La confiance publique est ébranlée, et cepen- dant cette confiance est indispensable : elle honore une nation et constitue sa force politique ; enfin elle est .encore le principe de la modération de l'intérêt de l'argent, et la source d'un grand nom- bre d'améliorations intérieures. Vous devez, con- tribuer au rétablissement de cette confiance, et vous vous livrerez à cette idée avec d'autant moins de réserve, qu'après avoir travaillé à ren- dre invariable l'ordre des finances, vous ne verrez plus rien de dangereux dans l'usage du crédit. Ces réflexions préliminaires vous indiqueront, Messieurs, les deux principaux objets qui vont être d'abord traités dans ce mémoire : L'ordre dans les finances, La stabilité' de cet ordre. Les finances d'un Etat sont un centre où abou- tissent nne multitude innombrable de canaux : tout part de ce centre et tout y revient ; et quand le désordre s'en est emparé, la dangereuse in- fluence de la confusion des finances parcourt tout le royaume, et s'étend tellement au loin, qu'on perd souvent cette cause de vue dans le temps même qu'elle produit les plus funestes effets; mais un observateur attentif retrouve aisément les rapports et la filiation qui échappent à la plu- part des hommes. Vous me dispenserez sûrement, Messieurs, de jeter un regard sur les temps qui ont précédé mon administration ; c'est de la situation pré- sente, c'est du mal à réparer que je dois vous instruire et vous occuper. Je renonce également à vous faire connaître toutes les difficultés qu'il a fallu vaincre pour soutenir l'édifice chancelant des finances depuis la fin d'août jusqu'à présent. L'homme particulier n'est rien au milieu des af- faires générales, et c'est par de nouveaux efforts, et non par le récit du passé, qu'il doit rechercher l'estime publique. 11 est des travaux d'ailleurs, il est des peines dont un sentiment intérieur est le seul dédommagement et la vraie récompense. Le compte des finances de Sa Majesté, que l'on mettra d'abord sous vos yeux, renferme les re- venus et les dépenses fixes de l'Etat. Les revenus et les dépenses n'appartiennent à aucune année en particulier ; ils seront toujours les mêmes, à moins qu'on ne vienne à les chan- ger par de nouvelles dispositions. Le Roi recevra la même somme de tributs, tant que les lois constitutives de ces impôts ne seront point abrogées, et le Roi payera la même somme d intérêts, tant que les capitaux de la dette pu- blique ne seront point amortis. Ces deux exem- ples, applicables encore à beaucoup d'autres ob- jets, suffiront néanmoins pour donner l'idée du véritable sens qu'il faut attribuer à la dénomina- tion des revenus et des dépenses fixes. On devra, Messieurs, vous présenter ensuite le prospectus des revenus et des dépenses passagè- res ; c'est-à-dire des revenus et des dépenses qui n'auront lieu que l'année prochaine ou pendant la suivante. Le tableau des revenus et des dépenses fixes forme sans doute l'objet le plus digne de votre attention ; il faut des impôts ou des économies durables pour balancer la différence qui existe entre la somme des revenus fixes et la somme des dépenses du même genre ; il ne faut que des secours momentanés pour subvenir aux dépenses passagères. TABLEAU DES REVENUS ET DES DÉPENSES FIXES. Ce tableau a été composé de deux manières : L'une est absolument conforme à la méthode observée l'année dernière pour le compte imprimé par les ordres du Roi : ainsi cet état offre, d'une part, les sommes versées au trésor royal par cha- que caisse de recette, déduction faite des charges assignées sur ces caisses ; et d'autre part, tou- tes les dépenses acquittées par le trésor royal. Le second compte, dont le résultat est absolu- ment semblable, présente en recette et en dépense tous les articles de même nature, quelles que soient les caisses diverses où ces recettes et ces dépenses sont effectuées. Ce genre de compte, hors de l'usage commun, et qui s'écarte de la méthode réelle des recettes et des payements, serait plus facilement suscep- tible d'erreur ; mais on est parvenu à le rendre parfaitement correct, puisque son résultat, comme on vient de le dire, se trouve d'accord avec celui du premier tableau, et vous pourrez juger de l'exactitude de ce rapprochement, non-seulement par la balance commune, mais encore par tous les détails indicatifs dont ces deux comptes seront accompagnés. Enfin, Messieurs, l'intention du Roi est que, sans aucune réserve et sans aucune exception, il vous soit remis tous les renseignements, toutes les pièces justificatives que vous pourrez désirer. On ne vous fera pas ici la lecture de ces comp- tes ; il suffit de vous annoncer que la différence entre les revenus et les dépenses fixes est d'en- viron 56 millions. Vous désirerez peut-être, Messieurs, connaître le rapport qui existe entre cette différence et le déficit indiqué dans le compte imprimé par ordre du Roi au mois de mars 1788, et l'on vous don- nera sur ce point toutes les informations que vous souhaiterez ; mais comme une telle expli- cation exigerait trop de détails, on se bornera dans ce moment à vous montrer en peu de mots l'accord général qui se trouve entre les deux comptes. Le déficit, selon le compte de 1788, était de 160,827,492 livres. Mais on avait compris dans cette somme tous les remboursements montant à 76,502,367 livres