Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Leroux, doyen, présente un règlement contenant quelques articles de police intérieure. La discussion s’ouvre sur cette matière : plusieurs membres sont entendus, et sont très-applaudis.

M. Rewbel, député de Colmar. On demande mon opinion, après avoir donné lecture du premier article du règlement de police de notre Assemblée, d’où je conclus qu’on exige que j’opine si le premier article doit être adopté ou rejeté. Ceci suppose qu’on a consenti à ce qu’il fût fait et proposé un règlement, et même à ce que le règlement proposé fût discuté dans tous ses articles, qui sont au nombre de quinze. Mais par quoi ce consentement est-il constaté ? Nous n’avons pas délibéré sur cet objet ; nous n’avons pas encore réglé de quelle manière on voterait, pour connaître le vœu des personnes présentes, et nous n’avons pas même décidé que nous voterions ; cependant le moins qu’on aurait dû faire, avant de proposer la discussion d’un article du règlement, c’était de fixer la manière de recueillir les voix, pour être assuré légalement de l’opinion, sinon de la totalité, du moins de la pluralité des personnes qui composent cette Assemblée. Je crois cette proposition préliminaire si importante que j’ose vous demander, Messieurs, la permission de vous faire part de quelques réflexions qu’elle m’a fait naître.

Qui sommes-nous ? Nous sommes, si je ne me trompe, des personnes présumées légalement élues par le tiers état du royaume pour députas aux États généraux ; et comme nous ne voyons parmi nous aucune personne présumée légalement élue par le clergé et la noblesse du royaume pour députés aux Etats généraux, que pouvons-nous, que devons-nous faire ?

Nous avons pour ainsi dire pensé, le 6 mai, que nous étions plutôt une cohue qu’une Assemblée ; que nous ne pouvions ou du moins que nous ne devions pas procéder à la vérification des pouvoirs, tant que le clergé et la noblesse ne se trouveraient pas présents et réunis avec nous dans cette salle ; et que, tant que nos pouvoirs ne seraient pas vérifiés, nous ne serions pas une Assemblée capable de prendre des résolutions, pas même de délibérer d’une manière légale et constitutionnelle. De là nous avons conclu que nous ne pouvions, sous aucun rapport, envoyer, des députés aux personnes présumées élues légalement par le clergé et la noblesse du royaume pour députés aux États généraux, lesquelles personnes étaient assemblées dans deux autres salles ou chambres différentes de la salle des États généraux, dans laquelle nous nous trouvons. Les communes ne sont pas tellement fidèles à ce système d’inaction quelles ne s’en soient écartées, tant il est vrai qu’il est impossible de concevoir qu’on puisse être légitimement, je dirai même légalement réunis, sans que l’on s’organise pour ainsi dire de soi-même, quand ce ne serait que pour s’entendre.

Cependant quel est l’inconvénient d’une organisation provisoire ? Nos pouvoirs, nous répète-t-on, ne sont pas encore vérifiés ; mais supposons, Messieurs, qu’en entrant dans cette salle nous y eussions trouvé le clergé et la noblesse, les trois ordres réunis ne se seraient-ils pas organisés avant la vérification des pouvoirs ? et cette organisation préliminaire, indispensable, n’aurait-elle pas été, je ne dis pas simplement légitime, mais même constitutionnelle ? Or, ce que nous pourrions faire, clergé, noblesse et tiers état, avant la vérification des pouvoirs, ne le pourrions-nous sans le clergé et la noblesse ?

Sait-on à quoi nous pourrions être pour ainsi dire forcés ? Peut-être serons-nous dans le cas de nous déclarer la nation, et de commencer l’œuvre de la restauration de la monarchie sans le concours de toutes les personnes présumées légalement élues par le clergé et la noblesse du royaume pour députés aux États généraux ; je dis que nous serons peut-être amenés à prendre ce parti, parce qu’il m’est impossible de concevoir que le vote par ordre et l’espérance qu’il en résultat jamais aucun bien, soient dans la classe des possibles ; mais comment parvenir à prendre ce parti ou un autre quelconque, si nous persistons à penser que nous ne pouvons pas nous organiser légalement et constitutionnellement ?

Je demande l’établissement d’une police pour la collecte des voix, qui soit telle que l’on soit sûr d’avoir rassemblé toutes celles des membres présents à la délibération.

Je me résume, quant à présent, à dire que l’on ne peut s’occuper encore du règlement général, ni du premier article du règlement en particulier ; que la police qu’on veut nous donner suppose que nous nous sommes déjà formés en tiers état, en corps séparé de la noblesse et du clergé ; que la députation à faire à M. le marquis de Brézé et à toute autre personne, pour faire disposer nos places en amphithéâtre, fortifie cette séparation, nous n’avons cependant, Messieurs, cessé de penser et de dire que la salle n’est pas à nous, qu’elle est celle des États généraux ; que le clergé et la noblesse y avaient autant de droits que nous : et que savons-nous si ce que nous demandons ne déplairait pas à ces deux ordres ? Quels ne seraient pas alors nos regrets d’avoir obtenu cette demande ; d’ailleurs, quel nom donnerions-nous à nos députés ? comment les élirions-nous ? Par où serait-il constaté que nous les avons légalement élus ? Ecartons, quant à présent, toute idée de règlement et d’amphithéâtre ; ne nous occupons que de la manière de parvenir à régler comment on recueillera les voix pour constater légalement l’opinion de cette Assemblée.

La discussion est interrompue par l’arrivée de M. l’évêque du Mans et de quatre curés de son diocèse. Ils annoncent la mort de M. Héliaud, député des communes de la même province, et invitent l’Assemblée à assister ce soir à son enterrement.

On recueille les voix par ordre alphabétique sur le projet de règlement proposé à l’Assemblée. L’heure étant avancée, la séance est levée, et la suite de l’appel nominal renvoyée à demain.




ÉTATS GÉNÉRAUX.

Séance du samedi 9 mai 1789.

CLERGE.

Le clergé continue la nomination de ses commissaires pour la vérification des pouvoirs, et il décide que la députation conciliatoire sera composée de huit commissaires et que l’élection en sera faite au scrutin, les trois plus anciens d’âge sont nommés scrutateurs.

On renvoie la fin de cette opération à lundi. Le vase qui contient le scrutin est déposé dans un appartement dont M. l’archevêque de Rouen,