régler les points constitutionnels ; qu'ils se com- muniquent leurs travaux par le moyen des com- missaires, et que l'on parvienne ainsi à rédiger des projets de lois uniformes, sauf à s'occuper à cette époque des moyens à employer pour que les projets se changent en lois.
M. le baron d'Allarde propose de faire por- ter au clergé l'arrêté sur la délibération par or- dre ; 161 membres sont de l'avis de cette motion ; 41 prétendent qu'il faut attendre la fin des con- férences proposées par le Roi.
La séance est levée.
COMMUNES.
M. le Doyen établit ainsi l'état de la question : Acceptera-l-on ou rejettera-t-on les conférences? Le tour d'opinion commence cette fois par la fin de la liste.
MM. les députés de Bretagne, les députés d'Ar- tois, MM. Bureau, Camus et plusieurs autres mem- bres parlent contre les conférences. Ils soutien- nent que les conférences sont inutiles, puisque la noblesse ne sera pas plus convaincue aux se- condes qu'aux premières;, que l'arrêté qu'elle vient de prendre, et par lequel elle s'est liée, n'annonce que trop son opiniâtreté dans ses pre- miers principes ; quant au clergé, il s'est enve- loppé d'un voile mystérieux en prenant le rôle de conciliateur pour acquérir des partisans dans l'un et l'autre ordre. Pressées entre le clergé et la noblesse, les communes doivent craindre un danger plus grand encore que celui des funestes privilèges de ces deux ordres, il arrivera préci- sément en 1789 ce qui est arrivé en 1589. Le Roi avait proposé alors de pacifier les esprits, et il avait fini de les pacifier par un arrêt du Conseil. Quand bien même un pareil arrêté serait aujour- d'hui favorable aux communes, que la noblesse et le clergé s'y soumettraient, un tel exemple ne pourrait-il pas être funeste? Le gouvernement ne pourra-t-il pas, à la moindre division dans les Etals, renouveler des coups d'autorité qui met- traient les Etats dans sa dépendance, dégrade- raient la majesté de l'Assemblée nationale et vio- leraient sa liberté?
Quelques membres parlent pour soutenir les con- férences; ils observent qu'après avoir demandé l'entremise du clergé pour rétablir l'union, il serait indécent de rejeter celle qu'offrait le Roi sans avoir été sollicitée. Une conduite aussi peu modérée exposera les communes à son animad- version et justifiera les intrigues qu'on se permet contre elles ; avant de prendre un parti de ri- gueur, elles doivent épuiser toutes les voies de la douceur. Ceci serait le seul ordre qui necon descendrait pas au désir du Roi, et c'est le seul ordre fort de la justice. La démarche de se prêter au vœu du Roi ne peut rien avoir de dangereux, puisque l'Assemblée n'est pas constituée, puisque le Roi ne veut pas prononcer un jugement, en annonçant qu'il n'assistera pas aux conférences. Quand bien même cet arrêt du conseil, que l'on redoute, interviendrait, il serait toujours nul, toujours illégal.
M. le comte de Mirabeau (1). Messieurs, il est difficile de fermer Jes yeux sur les circonstances
(1) Le discours de Mirabeau est incomplet au Moni- teur.
où la lettre du Roi nous a été remise; il est im- possible de ne pas distinguer les motifs de ceux qui l'ont provoquée, du sentiment de l'auguste auteur de cette lettre. Il serait dangereux de confondre ses intentions respectables et les suites probables de son invitation. Un médiateur tel que le Roi ne peut jamais laisser une véritable liberté aux partis qu'il désire concilier. La majesté du trône suffirait seule pour la leur ravir. Nous n'avons pas donné le plus léger prétexte à son intervention. Elle paraît au moment où deux ordres sont en négociation avec le troisième, au moment où l'un de ces "rdres est presque invin- ciblement entraîné par le parti populaire. C'est au milieu de la délibération du clergé, avant au- cun résultat, après des conciliabules (je parle des assemblées nocturnes du haut clergé, que la no- toriété publique nous a dénoncées), que les lettres du Roi sont remises aux divers ordres. Qu'est-ce donc que tout ceci ? Un effort de courage, de pa- tience et de bonté de la part du Roi, mais en même temps un piège dressé par la main de ceux qui lui ont rendu un compte inexact de la situa- tion des esprits et des choses, un piège en tous sens, un piège ourdi de la main des druides. — Piège si l'on défère au désir du Roi, piège si l'on s'y refuse. Accepterons-nous les conférences? Tout ceci finira par un arrêt du Conseil. Nous serons chambrés et despotisés par le fait, d'au- tant plus infailliblement que tous les aristocrates tendent à l'opinion par ordre. Si nous n'acceptons pas, le trône sera assiégé de dénonciations, de calomnies, de prédictions sinistres. On répétera avec plus de force ce qu'on dit aujourd'hui pour tuer l'opinion par tête, que les communes tumul- tueuses, indisciplinées, avides d'indépendance, sans système, sans principes, détruiront l'autorité royale. On proférera avec plus de ferveur que jamais cette absurdité profonde, que la constitu- tion va périr sous l'influence de la démocratie. Le trône sera assiégé de dénonciations, de ca- lomnies, de prédictions sinistres. M. Bouthilier(2) répétera que nous éludons le combat. L'appel au peuple de M. d'Antraigues retentira plus que jamais.
Faisons route entre ces deux écueils.
Rendons-nous à l'invitation du Roi. Eh ! com- ment pourrait-on s'y refuser quand on a jugé à propos de déférer à "celle du clergé? Mais faisons précéder les conférences d'une démarche plus éclatante, qui déjoue l'intrigue et démasque la calomnie. Vers quel but tendent les efforts des ordres privilégiés? à inspirer de la méfiance au Roi sur nos intentions et nos projets parce qu'ils sentent bien que la puissance d'un Roi uni à son peuple a une influence irrésistible contre les préjugés tyranniques, les prétentions oppressives, les résisianees de l'intérêt privé. Nous sommes bien forts, si toute leur ressource est de nous ca- lomnier. Nous sommes bien forts, si, pour faire triompher la bonne cause, il ne faut que marcher unis avec le Roi, et ajouter chaque jour à la puis- sance du prince, qui ne veut l'augmenter qu'en réglant l'exercice de son autorité sur les principes éternels de la justice, et de l'invariable but de la prospérité publique. Le Roi nous a adressé un hommage rempli de bonté; portons- lui une adresse pleine d'amour, où nous consacrerons à la fois nos sentiments et nos principes.
Je demande qu'il soit fait à Sa Majesté une très-
(1) L'un des commissaires conciliateurs de la no- blesse.